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Emmanuelle Bayamack Tam
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Farah, adolescente, a toujours connu L'Église de la Treizième Heure pour la bonne raison que Lenny, son père, en est le fondateur. Elle vit en communauté dans cette Église millénariste un peu spéciale : féministe, queer, animaliste. On y récite Nerval ou Rimbaud. Lenny rassemble ses ouailles autour de messes poétiques et d'ateliers de déparasitage psychique. La Treizième Heure, c'est aussi l'heure de la révélation, du déclenchement merveilleux, le moment où le monde basculera dans un état apaisé, le triomphe des pauvres, des dominés, des humiliés. Les membres de la communauté l'espèrent d'autant plus qu'ils sont fragiles, angoissés devant les menaces qui pèsent sur la planète : épidémies, guerres, réchauffement climatique... Leader incontesté des « treiziémistes », Lenny élève seul sa fille Farah. Hind, son grand amour, l'ayant abandonné à la naissance du bébé.
Le roman se divise en trois parties, racontées par chacun des membres de cette famille à la fois déglinguée et très contemporaine. Farah, née intersexuée, est d'abord inconditionnelle de son père, acquise à sa cause délirante, mais devient plus critique en grandissant : son père lui a menti sur sa filiation. En menant l'enquête, elle comprend qu'elle n'avait pas une mère mais deux ! Hind et Sophie. Comment est-ce possible ? Lenny prend la parole ensuite. Il raconte deux coups de foudre successifs : la poésie d'abord, Hind ensuite. Mais on s'aperçoit que les deux ne font qu'une : Hind est une chimère, une illumination, une fée baudelairienne. Lenny fondera l'Église de la Treizième Heure après le départ de son amour. La troisième partie est donc celle de Hind. Femme trans d'origine algérienne, elle avoue l'histoire violente de son parcours pour gagner sa liberté sexuelle et individuelle. Elle a aimé Lenny et voulu un enfant de lui, mais quittera Lenny et Farah pour vivre une passion amoureuse vouée à l'échec.
La Treizième Heure est un roman millénariste ultra contemporain, inspiré par les bouleversements d'identité et de genre, et traversé par nos angoisses de fin du monde comme par notre espoir d'un ordre social plus juste. -
«Si on n'aimait que les gens qui le méritent, la vie serait une distribution de prix très ennuyeuse.» Farah et ses parents ont trouvé refuge dans une communauté libertaire qui rassemble des gens fragiles, inadaptés au monde extérieur tel que le façonnent les nouvelles technologies, la mondialisation et les réseaux sociaux. Farah pense être une fille mais découvre qu'elle n'a pas tous les attributs attendus. Cependant elle s'épanouit dans ce drôle de paradis au milieu des arbres, des fleurs et des bêtes, observant les adultes mettre tant bien que mal en pratique leurs beaux principes : décroissance, anti-spécisme, naturisme, amour libre pour tous, y compris pour les disgraciés, les vieux, les malades... Mais cet Éden est établi à la frontière franco-italienne, dans une zone blanche sillonnée par les migrants : ses portes vont-elles s'ouvrir pour les accueillir ?
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Si tout n'a pas péri avec mon innocence
Emmanuelle Bayamack-Tam
- P.O.L.
- Fiction
- 3 Janvier 2013
- 9782818017463
Kim, la narratrice, grandit dans le sud de la France, au bord de la mer ? qu'on voit danser de temps en temps dans ce roman. Elle est entourée d'adultes immatures, cruels et déraisonnables : affligée d'un bec-de-lièvre, sa mère se lance sur le tard dans une carrière de stripteaseuse ; son père, qui a tatoué ses cinq enfants d'une étoile bleue sur l'occiput, brille par sa faiblesse et son insignifiance ; son grand-père est un insupportable fanfaron, et sa grand-mère sombre peu à peu dans la folie avant de regagner l'Algérie fantasmatique de son enfance.
Heureusement, pour l'aider à survivre à une enfance calamiteuse, Kim a l'amour inconditionnel de ses petits frères, la gymnastique rythmique, la lecture de Baudelaire, et ses nuits fauves avec son prince ardent. Sans compter qu'elle ne va pas tarder à rencontrer sa sorcière bien-aimée en la personne d'une sage-femme à la retraite ? à moins qu'il ne s'agisse d'une vieille pute sur le retour ? En fait de retour, on assiste aussi à celui de Charonne (déjà présente dans Hymen et surtout dans Une fille du feu) qui fait basculer (in extremis) cette histoire du côté de la beauté et de l'énergie vitale.
Comme les précédents livres d'Emmanuelle Bayamack-Tam, celui-ci se propose d'illustrer quelques unes des lois ineptes de l'existence. Le titre est emprunté aux Métamorphoses d'Ovide : comme Philomèle, Kim survit aux outrages, mais contrairement à elle, on ne lui a pas coupé la langue, ce qui fait qu'elle raconte, dans une langue qu'Emmanuelle Bayamack-Tam a voulue à la fois triviale et sophistiquée, comment l'esprit vient aux filles. Or, on sait depuis longtemps qu'il leur vient par les chemins à la fois balisés et inextricables du désir charnel. Pour Kim, il empruntera aussi ceux de la poésie du XIXe, ce qui fait que Si tout n'a pas péri avec mon innocence se veut aussi récit d'une vocation d'écrivain.
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Je viens est un roman comique. Il mouline les sujets qui fâchent, le racisme qui a la vie dure, la vieillesse qui est un naufrage, et les familles que l'on hait. Il illustre une fois de plus les lois ineptes de l'existence et leurs multiples variantes : l'amour n'est pas aimé, le bon sens est la chose du monde la moins partagée, les adultes sont plus immatures que les enfants, les riches se reproduisent entre eux et prospèrent sur le dos des pauvres, etc. Il vérifie aussi la grande leçon baudelairienne, à savoir que le monde ne marche que sur le malentendu. Charonne, personnage récurrent des romans d'Emmanuelle Bayamack-Tam et narratrice de la première partie est précisément celle qui vient chambouler cet ordre des choses - qui est aussi un crime contre l'humanité. Abandonnée deux fois (par ses parents biologiques puis par ses parents adoptifs), grosse, noire (ou perçue comme telle), Charonne est mal partie dans la vie mais elle va imposer sa vitalité irrépressible et la force agissante de son amour - quand bien même cet amour n'est ni reconnu ni apprécié (cf. les lois ineptes de l'existence). Mais pour accablante qu'elle soit, la réalité devrait pouvoir s'écrire sans acrimonie, dans une langue qui serait celle de la farce ou du vaudeville - avec lequel cette histoire a beaucoup à voir.
Je viens est un roman fétichiste, investi par les objets, ceux que l'on achète, collectionne, inventorie, transmet. Ce livre est une maison, Bleak House dickensienne dans laquelle chaque narratrice (elles sont trois) s'aménage une chambre à soi. Certains éléments décoratifs ont été chinés virtuellement (l'ottomane, les papiers peints vintage.), d'autres encore appartiennent à l'espace du dedans, souvenirs fabriqués, malentendus et haines tenaces, tout aussi concrets que les autres. Les personnages finissent eux aussi par être gagnés par la matière, se réifier et se figer comme si la maison tenait les habitants sous ses sortilèges : l'enfant est un objet que l'on ramène en boutique parce qu'il ne fait pas l'affaire ; la grand-mère se vitrifie sous son maquillage d'un autre âge, ses laques et ses parfums.
Je viens est une histoire de fantômes, trois morts que la maison cantonne dans une pièce embrumée de fumerolles bleues. Pythonisses incertaines de leurs oracles, détenteurs d'une sagesse qui peine à s'exprimer, ils n'en vaticinent pas moins à l'intention de Charonne, Nelly et Gladys. Ils sont le contrepoint mystérieux et poétique de ce récit si prosaïque, la promesse que la vie ne tient pas toute entière dans l'accumulation des biens matériels, si jouissive que soit cette possession. Le récit rend compte de cette jouissance, mais il dit aussi qu'un message viendra de la mer, un message qui sera à la fois enfance de l'art et déploiement de la magie.
Je viens est fait d'autres livres. C'était déjà le cas des précédents romans d'Emmanuelle Bayamack-Tam, mais elle semble avoir décidé de systématiser et surtout d'exhiber le procédé. Je viens s'est donc écrit depuis cette expérience de la sidération que constituent les premières lectures, sidération qui tient autant à l'histoire racontée qu'à la matérialité du livre, sa couverture et ses illustrations. De fait le livre de contes fait ici partie de ces objets que les personnages se transmettent. La Belle-au-bois-dormant, La Chèvre de M. Seguin, Petrouchka, Les Musiciens de Brême, La Reine des neiges, traversent et trament le récit, passant d'une partie à l'autre et se chargeant de significations personnelles et parfois dérangeantes. Pour Charonne les contes participent aux sortilèges de la maison et la font vivre sous une sorte de dôme, snowglobe enchanté dont il s'agira de sortir pour aller à la rencontre de la ville sans nom, c'est-à-dire Marseille.
Enfin, Je viens est un triple portrait de femmes. Une fille, sa grand-mère et sa mère y prennent successivement la parole. Les trois récits se recoupent parfois, sans qu'il y ait de redite, ni même de véritable concordance. On frôle parfois la contradiction, car comme le dit Charonne (la fille), « on n'est jamais si bien dupé que par soi-même », ce qui fait que chacun vit dans sa petite vérité intime et invérifiable.
Nelly (la grand-mère) raconte sa vie in extremis, entre ressassement et déploration. Sa mémoire flanche et sa voix se brise à trop buter sur « ce qu'on devient ».
Parce qu'elle cherche à justifier son incapacité à vivre, Gladys (la mère) produit quant à elle un discours vindicatif et furibond qui tient souvent du délire. Elle est sans doute le personnage le plus ingrat du récit.
Charonne est celle qui vient. Si les connotations érotiques de ce verbe existent, Ce n'est pas ce qui intéresse l'auteur. « Je viens », c'est la proclamation, par Charonne et à la suite de Michaux (« Agir, je viens »), de sa volonté de redresser les torts, de parler contre les lois ineptes, de faire passer sur la maison borgne comme un souffle de bienveillance qui en dissiperait la léthargie et les aigreurs.
Charonne est une missionnaire, comme le sont souvent les personnages d'Emmanuelle Bayamack- Tam, et elle la lance dans une geste héroïque, à l'assaut du racisme ordinaire, de la négligence parentale et de la dépression sénile, pour ne citer que quelques uns de ses adversaires identifiables. « Où était éparpillement, est soudure, où était infection, est sang nouveau, où étaient les verrous est l'océan ouvert. ».
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Michael Bon, restons nous-mêmes, et restons ici, mais finissons-en. Il doit bien y avoir une chanson pour ça. Fan Une chanson de toi, Michael, mon coeur ! Il y a une chanson de toi pour toutes les situations et pour toutes les humeurs. Michael Je l'ai cru longtemps, mais là, j'ai beau chercher, je ne vois pas. Une chanson qui dise à la fois la tristesse d'avoir raté sa vie et la fierté d'avoir rendu les gens heureux, ça n'existe pas.
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Tous les fils ne sont pas faits pour devenir des hommes.
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À l'abordage ! peut se lire comme une réécriture du Triomphe de l'amour de Marivaux, mais c'est aussi le pendant symétrique d'Arcadie, roman publié en 2018. Chez Marivaux, le philosophe Hermocrate a édifié sa petite communauté autour du refus de l'amour et de la mixité, alors que dans le roman, Arcady prêche l'amour libre et le désir sans entraves - mais dans l'un et l'autre cas, c'est une très jeune fille qui vient éprouver, ridiculiser et in fine pulvériser, l'idéologie et la rhétorique ambiantes.
À L'Abordage ! reprend scrupuleusement la distribution de la pièce de Marivaux, il en reprend aussi le découpage et la scansion, cette alternance d'aveux, de refus et de fausses confidences qui conduit à la victoire annoncée de l'amour.
Mais là où Marivaux situe l'intrigue dans une Grèce antique conventionnelle, À L'Abordage ! se situe résolument dans notre présent le plus contemporain, débarrassé des anachronismes, et en résonance avec des problématiques très actuelles. Le travestissement de Sasha (Phocion chez Marivaux) en garçon est davantage qu'un stratagème : il introduit un trouble dans le genre et contribue à déglinguer la machine matrimoniale propre à la comédie classique. Le dénouement, loin d'arrêter le mariage des seuls jeunes premiers comme chez Marivaux, ouvre sur un mariage pour tous, festif et féérique, encourage le désir transgénérationnel, et se conclut sur une marche des fiertés jouissive et spectaculaire. L'amour triomphe de tout : du dogmatisme sénile d'Hermocrate, mais aussi des inhibitions, des traditions, des préjugés, des normes...
La pièce a été créée et jouée en septembre et octobre derniers, avant le confinement, au Théâtre de la Tempête à Paris, dans une mise en scène de Clément Poirée. Reprise à La Tempête du 7 au 12 décembre 21 puis dans la banlieue parisienne (Rungis, Kremlin-Bicêtre, Saint-Cloud, Fontainebleau, Fontenay-aux-Roses, Rueil Malmaison, Maison Alfort, Corbeil-Essonnes), et en province toute l'année 22 (Lannion, Viré, Toulouse, Istres, Draguignan, Amiens...).
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Mon père m'a donné un mari
Emmanuelle Bayamack-Tam
- P.O.L.
- Poesies Theatre
- 3 Janvier 2013
- 9782818017494
Un père et une mère parlent de leur fille : Alexandrine, seize ans. Ce pourrait être une conversation normale, mais Alexandrine ne l'est pas, et il se peut que le couple parental ne l'ait jamais été non plus. Leurs inquiétudes portent essentiellement sur la vie sexuelle future d'Alexandrine... Le dénouement, comme toujours, est un escamotage qui dérobe heureusement à nos yeux les protagonistes de la farce. Mon père m'a donné un mari reprend, en le caricaturant, l'argument des comédies classiques : des parents prennent en main la vie amoureuse de leur fille. Sauf qu'il ne s'agit plus d'arranger un mariage mais d'organiser un dépucelage. Comme la fille est autiste, elle consent à cette prise en main. Elle autorise même ses parents à assister à sa défloration, conçue comme l'aboutissement spectaculaire de cette pièce.
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Pour sauver les mauvaises âmes des filles de Fénix, il doit d'abord s'extraire des plis angulaires et cassés de sa vieille peau. Ensuite, il faut qu'il trouve le seul nom qui lui aille, le seul qui rende compte de son identité remarquable. On peut considérer tout ça comme une mission. À la fin, il lui reste le plus difficile : empêcher que s'écrive son histoire officielle.
Se retrouvent dans cette histoire qui n'a rien d'une histoire officielle, quelques-uns des thèmes qui nourrissaient Rai-de-coeur, comme l'exil, ou l'ambiguïté sexuelle, ou encore la grande ville (c'est d'ailleurs la même... sous d'autres cieux). Mais aussi de nouvelles préoccupations qui ont à voir avec l'identité, la filiation, la folie.
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Artaud tenait le mariage pour une offense personnelle.
Kafka est mort célibataire - mais ce n'est pas faute de s'être fiancé. Nijinski a épousé Dieu, devant témoins, le dix-neuf janvier mille neuf cent dix-neuf. A ce sujet comme à d'autres, ils auraient peut-être eu des choses à se dire.
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Quatre-vingt-trois ans, ce n'est pas une vie.
C'est juste le temps que ça prend de vieillir et de connaître le sort immérité de toute chair, le pourrissement programmé, la violence médusante du dégoût. Et si, à quatre-vingt-trois ans on s'offre un dernier sursaut de sens, un dernier triomphe amoureux, il risque d'avoir la couleur de l'argent et tous les appâts du gain. Mais c'est toujours ça de pris, toujours ça que n'ont même plus les pauvres morts gisant entre les radicelles chlorotiques et les insectes nécrophages.
Et il n'y a pas de mot de la fin, pas de sagesse acquise sur le tard.
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Lundi : la reproduction est un jeu de massacre.
Mardi : la torture est légalisée. Mercredi : le lynchage est une seconde nature. Jeudi : je suis une vierge intacte. Vendredi : je suis une chienne. Samedi : regardez où nous a menés la compréhension. Dimanche : pas de dimanche qui tienne, rien que des jours ouvrables quand on aime.
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6P. 4A. 2A. ; et autres nouvelles
Emmanuelle Bayamack-Tam
- Contre-Pied
- Autres & Pareils
- 1 Juin 2003
- 9782916252940